lundi 30 novembre 2015



L'herbe étonnée s'orne
de l'écume de la pluie.
Les gouttes tambourinent les tuiles.
Les escargots, conques ambulantes
quittent leurs cachettes.

Dans l'océan de la nuit ,les fenêtres
sont des phares qui tremblotent,
des étoiles de mimosa
entre le corail noir des arbres.
l'étuve de l'été n'est plus qu'un rêve.

Pour échapper au gouffre,
les mots forment une cantate,
une arche étrange où ne montent
que ceux qui diffusent leur fragrance.

Des pluviers suivent le bateau à la dérive,
et grâce à leurs mouvements d'ailes subtiles
protègent les passagers
comme si déjà ils vivaient en Eden.

Soudain, une clameur retentit.
Une île est apparue
où un bélier furieux
à grands coups de cornes
essaye de faire tomber
les dernières feuilles
d'un érable rouge.

Une véritable rumba s'empare du pont.
Tout le monde danse
dans l'oubli des requins
aux dents aiguisés
comme des sabres.
Voir un arbre a suffit
pour provoquer la transe.

L'arche abordera-t-elle
l'ile aux tulipes ?
Quelle connivence les passagers
établiront-ils avec l'érable ?
Le nectar d'un poème suffira-t-il
à apaiser le bélier ?


mardi 24 novembre 2015

Nuit noire aux carreaux.
Dehors il n'y a rien,
pas même une lumière.
Le mensonge est partout
avec son pardessus de peur.
le feu faiblit à l'âtre
quand plus rien ne respire.
Quel accord encore trouver
auprès d'un monde désaccordé?
Est-ce si terrible de vivre
à l'approche de la guerre ?

La neige seule vient,
linceul de silence.
Le ciel dépose
un rêve de givre
sur les toits des voitures.
Le désastre est comme
un poison, une pensée
qui prend de la force.
se venger, c'est enfoncer
plus profondément le couteau luisant.
Le sang déborde, ronge
les rives claires comme un acide.

La parole devient folle,
s'agite dans un verre boueux.
les tables ne .fondent plus le partage.
la mie est comme une arête
en travers de la gorge.
La nuque si douce
se tord de douleur.
le sapin se hérisse
devant l'homme effroyable.

Debout, mais enceint d'un nuage,
est-ce possible ?
Chemise ouverte,
poitrail dans l'aurore,
il faut s'avancer nu
pour les retrouvailles.
Il n'y a d'élan
qu'à la source sauvage
où se noie la pluie.

La bande d'étourneaux
à l'approche de l'hiver,
est à jamais dans l'ouvert,
ivre d'arabesques.
L'enfant connait cette gloire
qui est d'être regard.
Le papier lui aussi
a une virginité
que l'encre n'entame pas.
les mots doivent rester
des papillons bizarres
qui se posent seulement
pour s'envoler.

Cette paix est possible.
Elle n'est qu'à son début.
On ne peut la saisir
comme le faon qui
vacille dans un champ
à la recherche de sa mère.
Spacieuse, une hêtraie
attend un marcheur
qui viendra s'y reposer.




lundi 16 novembre 2015

Ces bourgeons noirs donneront des fleurs.
Cette promesse est certaine.
Le jour succède à la nuit,
même au pôle nord.


Pourtant la nuit peut être envahissante.
Elle sait si facilement se glisser
sous les portes,
envahir l'espace
si clair d'une fenêtre.

Céder à nuit ? Pourquoi ?
Avec elle tout se recroqueville.
Je ne veux pas que mon cœur
devienne une pomme ratatinée.

Cris. Hurlements. Déchirure.

Mais d'où viens-tu, où es-tu
toi qui te repousses
un peu plus loin dans la nuit ?

L'aube est un désir.
l'enfant qui naît est une aube
qui veut se poursuivre.
Dans son regard,
toutes les armes
sont englouties.

Je n'ai plus d'armes.
On protège un enfant
comme on protège
une bougie au vent.

Les chenilles des chars
ne donnent pas de papillons.
Les bombardiers, ces gros bourdons
creusent à coup de bombes
la tombe de l'humanité.

Tant pis, je demeure un benêt,
un insomniaque
qui rêve d'aurore.
Les marchands d'armes, eux,
ronflent dans leurs oreillers de billets.

Je n'appuie que sur mon cri
et cela fait mal.
C'est si facile, si monstrueux
d'appuyer sur un bouton
ou une gâchette.

Ces bourgeons noirs
ne payent pas de mine.
Ils ne passeront pas à la télévision,
Ils ne parleront pas pendant des heures
avec des airs d'expert.

Mais ils tiendront leurs promesses.

Je comprends mieux la vieille ardennaise
qui répétait sans cesse :
"Ben ! le paradis, c'est la bonne idée !"
Parfois cela ne paye pas de mine
une bonne idée.
Un bout de ficelle, quatre baguettes,
du papier crépon...et voilà un cerf-volant.

C'est mieux que la haine
qui cherche à couper des ailes.

La nuit s'assombrit. Elle n'est plus bleue.
Elle devient noire. Elle sue de l'encre
avec un goût de cendre.

Reste plus qu'à prendre feu
pour qu'elle recule,
à devenir contagieux
de cette fièvre de l'aube.

Que chacun apporte sa brindille.
Je jette ce poème aux flammes.

Et toi, que donneras-tu ?
Cela devient urgent.




mercredi 11 novembre 2015

En une nuit ou presque
la colline est nue.
Des milliers de papillons
jaunes et oranges
jonchent le sol.
Restent des squelettes noirs
des systèmes veineux
à l'encre de chine.
Par ci, par là
des poches de résistance
virent à la rouille.

Novembre s'avance
avec ses ombres.

Je plonge avec elles
puisque dehors
rien ne m'appelle.
Même les corneilles
ont déserté le ciel.
J'ai le même esprit
qu'il y a longtemps
lorsque enfant
je laissais glisser
entre mes mains le sable
de la forêt d'Hennezel.
Je suis pour toujours
un cri d'étonnement
dans un berceau blanc.

Le poids du corps
est un leurre.
Cheval fourbu,
je mange l'avoine des jours
le cœur tourné vers la prairie
qui frémit de printemps.
Je regarde la feuille
qui est morte
avec la douceur
d'un bourgeon.

Novembre me déshabille
de ce qui ment.

Les nuages emportent des lueurs
dans leur étoupe grise,
lueurs aveuglantes.
On ne peut fixer le soleil
trop longtemps.
Le vent joue autour
du noisetier.
Les dernières feuilles
se parlent entre elles
ou peut-être dansent-elles
avant de disparaître.
Ultime pirouette.

Je ferme les yeux.
Le soleil tente une percée,
vient prendre la place de la tête
que j'ai perdu
il y a quelques années
dans l'ouragan d'un goéland.
Mes petites annonces
pour la retrouver
n'ont servi à rien.
Et puis d'ailleurs
on vit très bien sans tête.
On voit plus loin.

On voit derrière les nuages
qui ne prennent jamais le temps
de contempler les étoiles immobiles.
Le soleil m'inonde maintenant,
révèle les taches de pluie
et de doigts sur les vitres.
J'apporte quelques brindilles
et branches obscures et tordues
à ce grand feu de joie.

Novembre peut aussi avoir
des couleurs d'ambre.

On a tous un oiseau à nourrir
dans sa poche de veston.
Quand la carcasse
se met à grincer,
c'est lui qui prend le relais.
Un petit vers lui fait du bien
et l'eau claire d'une chanson
Cela suffit pour qu'un jour
il puisse ouvrir ses ailes

Pas besoin de tête
pour le regarder voler !





lundi 2 novembre 2015

La colline a disparu.
La fenêtre est blanche.
Au lointain des ombres
fluctuent au passage
des masses de brouillard.
Parfois, j'aperçois
la ligne noire d'un tronc
ou les échancrures des feuillages.
Puis tout s'efface.

Un vol d'étourneaux
comme une flèche
ou un éclair
dans l'indistinct,
s'est déjà évanoui.
Je suis disponible.
Rien ne se passe
Rien n'advient.
Seul un regard
franchit la ligne
de la fenêtre,
marche sur les houppiers
de gauche à droite.
Aucun risque de tomber.

Une corneille monte
à la verticale de la vitre
en une palpitation
d'ailes noires.
Dans le paysage noyé
les oiseaux sont
des poissons bizarres,
les arbres des algues
des grands fonds.
Où suis-je ?
Peut-être est-ce
la seule question ?

J'ai rangé le bureau.
Un certain ordre règne.
Quand rien ne traîne
un repos se manifeste.
Je disparais dans le brouillard.
Restent quelques livres,
un dictionnaire étymologique
un pot à crayons,
une feuille blanche
comme promesse d'écriture.

Reste une regard perdu
dans le désert.
Les maisons d'en face
habitent des histoires
que je ne connaîtrai jamais.
Là-bas les fenêtres
sont toutes grises.
Aucun visage n'apparaît.
La ville s'est endormie
en pleine journée.

Je n'ai plus de pensées.
Je me suis perdu
avec sur les épaules
un manteau de brume.
Dans ce vide
des formes apparaissent
puis s'effacent
accompagnées
d'une caresse de silence.
Où suis-je ?
Les étoiles cachées
ne répondront pas.

Il n'y a personne
sur la chaise.
Le ciel est vide
de nuages et d'oiseaux.
J'écris quelques mots
comme on pose
des touches de couleurs
sur la toile blanche
qu'entoure la fenêtre,
quelques mots pour rien
qui tombent déjà
de l'arbre à paroles !