lundi 29 juin 2015

Tu vois ces mains qui n'ont rien
mais qui ont une histoire.
Il ne s'agit pas de saisir.
Recueillir peut-être ?
Ecrire une histoire
qui ne s'éloigne pas trop
de l'étincelle initiale ?

Ces mains tendues
ne demandent pas l'aumône.
Elles sont belles
d'être vides et nues.
Elles prolongent le monde.
C'est comme si
elles avaient un regard.
Elles ne se séparent pas
des caresses de la lumière.
Elles sont un paysage.

Si des mots tuent,
pourquoi les mains
n'en feraient-elles pas autant ?
Les mains rouges,
les mains qui frappent,
les mains qui tirent
dans la foule
sont-elles des mains sans esprit,
des mains perdues ?

Tu ne sais pas.

Elles ne touchent plus
l'avoine qui frémit.
Elles s'éloignent du torrent,
s'écartent de l'écorce,
ignorent la lavande
et la mousse des sources.

Ouvertes, elles sont encore fermées.
Ce sont des mains aveugles
qui écrivent une dictée de sang.
Personne ne doit en réchapper.

Tu as peur devant de telles mains
si obéissantes et qui ne tremblent jamais.
Elles ne supportent pas une fenêtre ouverte.
Rageusement, elles ferment les rideaux.
Circulez ! Il n'y a rien à voir !
rien à caresser !
le schéma de la haine suffit
et il déjà tout tracé.

Certaines de ces mains sont douces et fines.
Elles n'ont pas forcément les ongles noirs.
Elles appartiennent à un cauchemar.
Et il ne suffira pas de crier
pour qu'elles se réveillent
ni de les serrer
pour qu'elles rejoignent l'aube.

Tu ne sais pas quoi faire !

Tu parles à ta main,
tu la contemples longuement.

"Dis-moi, où veux-tu aller ?"

Et elle me répond:
"Je voudrais partir ailleurs
avec ceux qui ont
leurs mains vides et nues !"


lundi 22 juin 2015

Sur ton rivage, une vague vient puis recule.
Tu es ramené à ton corps comme un poids mort.

Ce qui t'écrase est sans mots, sans langage.
"Fermez les écoutilles, s'endormir"

Avant qu'elle ne meurt sur le sable
la vague a capturé un éclat de lumière.
Tu trouves du réconfort dans ces éclats
que la mémoire cherche à retenir.

Tu vois plus loin.

Partout cela crie. Il n' y a pas que le sang.
Il y a l'errance, les mots assassins,
la parole qui est une geôle.
Surtout il faudrait croire
au réel des repus,
à la vérité de l'asphyxie.
Mais les murs sont en papier.
Ton poing suffira peut-être.

Tu étouffes, tu tournes
comme un lion en cage,
une cage qui te fait croire
à ses barreaux de brouillard
alors qu'un geste suffirait à les écarter.

Tu veux aller plus loin.

Les hirondelles se mettent à croire
aux pensées des hommes.
Il n'y en a plus une seule;
Elles se cachent en plein vol.

On surveille les enfants au retour des écoles.

Les filets à rêves sont jetés
Il y aura peut-être une bonne pêche,
de quoi vendre quelques âmes égarées.

Il restera des regards vides,
des visages qui ne savent plus
pleurer ni rire.

Pourtant derrière ce ciel gris
tout ridé, cela respire.
Qui vient en cet instant
déposer un baiser ?

Les pensées qui font mal s'éloignent
ton bourreau bat en retraite.

Tu poses en rêve ta joue
sur le feuillage des arbres.

La flamme dans la clairière vacille encore,
mais elle apaise les larmes d'une femme.


mardi 16 juin 2015

Un pigeon sur un bastingage
regarde les gens passer.
Peut-être essaye-t-il
de comprendre l'humanité
comme l'homme essaye
de comprendre le regard d'un chien ?


Tu rêves d'une vie de pigeon,
même si souvent on te prend
pour un pigeon.
Pourquoi d'ailleurs dit-on :
"Ne te fais pas pigeonner !"

Il y a quelques jours
tu as vu un de ses confrères
sur une antenne de télé à l'aube.
Il prenait son bain de soleil levant.
Ce n'était pas de la projection.
Il ébrouait ses ailes.
Il se baignait dans
cette toute jeune lumière.
Rien ne le pressait.
Juste à côté le cerisier
regorge de cerises.

Tu l'a vu de ta maison
en hauteur qui domine la ville.
Celui qui franchit le seuil
de cette demeure
ne sait pas ce qu'il risque
à s'asseoir à côté de quelqu'un
qui rêve d'être un pigeon.
Un coup de bec ?
Un coup de patte ?
Non, simplement ouvrir les yeux
devant l'espace d'une fenêtre,
ne plus croire
qu'on est quelqu'un
qu'on a de l'importance,
Ne plus s'accrocher à son cagibi,
à ses vieilles serpillières,
mais être une porte battante
sur l'immense.

Voilà ce qu'il risque !
Peut-être sera-t-il surpris aussi
qu'autant d'oiseaux volent pour rien,
ont des trajets aléatoires,
montent et descendent sans but,
prennent plaisir à toujours se percher
sur les plus hautes branches des arbres.

Tu lui diras de prendre son temps,
de mettre sur un cintre
ce petit homme trop étroit,
de devenir un pigeon
devant cette fenêtre
et surtout de ne rien attendre,
d'être un buvard pour l'encre du ciel.

S'il reste ainsi longtemps
tu peux être sûr qu'il est de la famille,
qu'enfant il s'échappait déjà par la fenêtre
et que les livres qu'il lisait étaient
la nourriture nécessaire
à la poursuite de son vol.
Tu auras trouvé plus qu'un ami,
un frère ou une sœur,
qui a fait le serment, tout comme toi,
de ne jamais redescendre
pour échanger son rêve
contre de la pacotille.

Un pigeon perché
sur un bastingage
n'est jamais tout seul !


lundi 8 juin 2015

Cortège noire de la chenille sur le mur blanc !
Si c'est cela la vie,
tout frotte et tout se contorsionne.
Désordre du vent dans les feuillages !
Tu préfères ce mouvement.
La lumière ruisselle
sur chaque feuille du hêtre pourpre.


Pendant ce temps,
la chenille se râpe le ventre sur le crépi.
Elle cherche un oasis pour son cocon.
Ce n'est pas dans cette lumière crûe
qu'elle trouvera la paix.
Un peu d'ombre, s'il te plait !
Un peu de douceur !

Tu te crois une larve.
Le chant du merle est trop pur.
Les volutes de l'hirondelle
sont un rêve qui te fait mal.
A toi la boue, l'épaisse semelle
les poils, et le reste.

Puis il y a ces voix qui susurrent ;
"Ne touche pas cette bestiole !
Cette larve qui se traîne !
Ne la regarde pas,
même si elle a quelques couleurs !
C'est un piège à urticaire !

Pas étonnant qu'elle finisse par ramper
devant une telle avalanche de méchancetés !
Vite, de l'ombre, un coin tranquille
que je me mette en boule,
que je tisse le fil qui me fera disparaître !
Ne plus rien voir.
Ne plus rien entendre.
Je veux retourner là où...
je ne sais pas.

les cocons sont aérodynamiques.
le vent ne s'y accroche guère !
La chenille s'y est enfermée
avec son rêve.
Qu'il est doux de vivre ainsi caché !
Personne ne vous montre du doigt !
C'est peut-être surprenant,
mais il y a des cocons qui
se promènent sur les trottoirs de la ville.
Certains sourient pour être sûr
que personne ne viendra voir à l'intérieur !

Un jour c'est l'heure ! le moment,
le grand jour, l’événement !
l'élément déclencheur ?
Motus et bouche cousue,
cela demeure un mystère.
Le cocon fond, la coquille se fend.

Est-ce toi qui apparaît ?
Oh, ces couleurs sur tes ailes,
C'est ton rêve qui a déteint !
Tu n'as plus peur
même s'il ne te reste
que quelques heures.
La larve te salue bien
et te pardonne!
Allez ! tu viens visiter mon ciel ?