samedi 28 février 2015

Petit tour dans le jardin.
des crocus un peu fripés
émergent de terre
avec un bout de cerveau
rouge de rhubarbe.
les perce-neiges sont
tous penchés
parmi les herbes grises.

Bain de soleil.
la terre semble
s'étendre comme un chat
pour n'en rien perdre.
Les ombres sont de retour,
accentuent le relief
de toutes choses.
Le jardin frémit, respire.
 
Toi, tu respires mal.
l'hiver encombre
encore tes bronches.
Cette lumière partout
vient réveiller
le désir peut-être.
Elle dépose son mystère
comme de la rosée.

Tu es en sursis
au cœur de cette fragilité.
Il n'y a pas de pouvoir ici.
Quelques pierres,
des feuilles qui s'effritent
entre le pouce et l'index,
et des bruissements invisibles,
la simplicité d'une caresse.

On est si loin
des paroles insidieuses.
les fleurs du lilas
se préparent sans vocabulaire.
Il y a des corps déposés
à même la terre
dans un linceul de grains
de poussière et de mousses,

des corps qui bientôt
vont se relever,
la doronique ou la primevère.
Tu laisses s'écouler
les yeux fermés
les glaires dans la glaise.
Quel âge as-tu
quand tu humes la sauge ?

Tu crois encore les mots
quand ils s'enfoncent
au pied des framboisiers,
quand un nuage
les happe bien haut,
que la colline a l'évidence
d'une jeunesse que rien
ne peut arracher !



jeudi 26 février 2015

Tousse ! Tousse ! Tousse !
Comme un train poussif, tu attends l'heure
de retrouver ton bon vieux quai....

Partout des pas et encore des pas
qui montent, descendent, vont et viennent,
entoure ta cabine immobile,
des pas pressés, des pas fébriles
en recherche d'un titre, d'un article
d'une idée comme des souris
qui veulent grignoter du bon papier !


Tousse ! Tousse ! Tousse !
Tes ailes ne sont pas encore prêtes de pousser !
Ton dos te démange, mais c'est de l'eczéma.
Partout des voix, des chuchotis, des chuchotas !
Toi, tu es dans un demi-sommeil.
Tu rêves déjà que tu dors sans peine
et que tu te réveilles dans la fraîcheur du matin
avec des os tout neufs et l'envie de faire des étincelles !


 

samedi 21 février 2015

Le jour qui vient est un jour d'hiver dans sa nudité.
Et toi, tu regardes ce ciel gris si bien qu'il t'absorbe.
Quelques oiseaux cherchent leur vol.
Ils ne vont nulle part. Ils bougent leurs ailes dans le ciel.

Quel mot conviendrait à ce que tu cherches ?
Rester à la fenêtre est déjà une parole.
la grisaille se déchire un peu.
Tu peux  éteindre ta lampe.
le ciel varie maintenant du gris au bleu laiteux.
Un rayon de soleil rajoute du blanc à la feuille de papier;

La vie passera-t-elle ce matin ?
Quelqu'un sonne à ta porte, dépose un colis, te sourit.
C'est peut-être elle ?
Il suffit d'une étincelle !

C'est drôle d'être humain.
C'est drôle de penser même quand on ne pense à rien.
la vie parfois aussi n'a rien à dire.

Avec ce rayon de soleil, les oiseaux ont l'air plus sûr d'eux !

Il se fait un calme étonnant. Tu ne sais pas pourquoi.
Peut-être est le chant qui revient, l'insouciance de l'enfant
qui s'essaye à siffler au retour du pain ?

Tu écris quelques mots et le soleil revient.
Ce n'est pas un rêve.
Peut-être est-ce à toi de créer l'univers ?
Peut-être est-ce à toi ce panache de fumée,
cet arbre qui tressaille ?
A toi pour que tu chantes, accompagnes un nuage,
ouvres un chemin à la mésange noire qui s'est égarée ?

C'est comme si tout devenait possible. 
Tu es un enfant devant une feuille vierge,
tu peux trouver ta couleur,
celle qui n'a pas encore existé,
celle qui veut être délivrée !

Une corneille traverse l'espace de ta fenêtre et te fait sursauter.
C'est la vie que tu attendais.
Elle vient de passer, elle te fait signe.

Ne nourris pas la main crochue
de ton état d'âme.
Tu habites le pays que tu crées
Personne n'a fermé la porte.
la clef est de ton côté !

"la clef est de ton côté". Tu répètes ces mots.
Il y a donc une porte quelque part.
Tu ne voies rien, seulement deux pigeons ramiers 
qui finissent leur vol plané.

Tu aimerais tourner cette clef dans la serrure un peu rouillée.
Cela résiste. Tant pis si cela grince, si la porte gémit.

Tout peut commencer !





lundi 16 février 2015

Passent les jours, passe la colombe
entre les branches dénudées du bosquet.
Passe la fumée et la grisaille de ce jour !
Tu es une voile qui a des yeux
et tu te perds au sommet immobile
des grands arbres.
Un peu plus de mots, un peu plus de sable
jetés à la volée, et la terre continue
de tourner autour du soleil !
les anges se taisent et leurs harpes
deviennent des fenêtres ou un reflet
dans une flaque solitaire.
Tu es cette vie qui ne démontre rien,
l'eau d'un torrent en pure perte.
Ce vide et ce silence deviennent des amis
qui ne retiennent rien,
deux enfants qui se donnent la main,
sautent à cloche-pied
au rythme de leur rire.
Tout s'ouvre en toi
comme les pages d'un livre
où rien ne peut être lu,
même si tout se met à chanter !
Cette ampleur naît d'une douce ignorance,
là où personne n'est à convaincre
près de la pierre aux reflets d'or
ou du bouvreuil qui frissonne sans questions
derrière sa haie.
Ta bouche bée prolonge ce cri muet !
Tu fais lentement ton nid dans l'éclair !
Tu deviens un passeur d'étoiles
qui filent sans demander leur reste.
Ce voyage a-t-il un commencement ?
Aura-t-il une fin ?
Même en ton sommeil des histoires s'enlacent.
Tu portes en ta besace des lueurs lunaires.
Au matin, c'est un sourire qui sort des draps
puisque tu as la main ouverte.
Des plaintes t'ont traversé comme un couteau.
Le sang qui coule de cette blessure
apporte enfin la paix.
Qui maintenant te ramènera
à l'embuscade du miroir ?
Tu partages ton pain et c'est toi-même
qui a choisi de vivre.
Ce que tu bois jusqu'à la lie
accroît jusqu'au vertige ton désir.
Tu ne peux rester seul quand
sous la terre noire et froide
murmurent des fleurs !
Tu continues de naître !


samedi 7 février 2015

Un flot de lumière traverse la maison.
A peine entend-on des chants d'oiseaux.
Les feuilles vertes des bambous se couvrent d'or.
Un miroir posé sur le rebord de la fenêtre
est tourné vers le plafond.
Il n'y a rien à voir, il n'y a rien à saisir.
Deux ou trois boutures dans un pot de porcelaine
survivent tant bien que mal.
Dehors le sapin penche étrangement vers la gauche.
Les châtons du noisetier ressemblent
à des chenilles qui sèchent au soleil
pendues sur un fil !
Il n'y a personne, même aux fenêtres des immeubles.
La ville est éteinte en plein jour.
Il n'y a pas de vols d'oiseaux ou d'avions dans le ciel.
Seule une colombe surgie de nulle part
avec les plumes blanches de sa queue,
passe en éclair derrière le sapin.
Les ombres parfois dansantes
règnent en maître jusque sur la page de papier.
Inondé de lumière, voilà l'expresion qui convient !
Indondé à en plisser les yeux,
à en froisser les sourcils.
Les arbres sur la colline sont des peignes
des brosses noires qui ne servent à rien.
Sur l'écorce de leurs troncs on peut lire une histoire
aussi étrange que celle de l'homme.
Le vent apporte par son mouvement
un peu de vie entre les facades des immeubles.
Tout cela est sans importance !
Il y a tant de fausses raisons.
Il y a tant de malheurs qui auraient pu ne pas exister !
Il y a tant de voix qui ne laissent rien passer !
Cette intense lumière,
ce paysage qui ne bougera pas,
qui ne cherche rien,
remet tout en place !
Pourquoi cette inquiètude, ces rumeurs de guerre
si éloignées du chant de l'océan ?
Les boules blanches du chèvrefeuille restent paisibles.
le soleil est à l'oeuvre tranquillement.
les fumées s'évanouissent si vite dans l'air glacé !
Ce corps de toute façon est destiné à mourir.
Pourquoi tout précipiter ?
Cette pesanteur est à la fois terrible et salutaire.
Nous ne sommes jamais arrivés.
Peut-être n'arrivons-nous jamais ?
le monde est moins qu'un pétale de fleur !


mardi 3 février 2015

Pauvre pour laisser être,
voilà que tout se dégage.
la pente de la rue, si pénible à gravir, glisse sous les souliers.
Plus d'angoisse qui rôde dans l'ombre !
Les arbres sont des tâches d'encre de chine
qui se diffusent sur la page grise du ciel.
Des traces de blanc parsèment les toits. le soleil nettoie. Netteté de la neige, de son drap qui a bordé la ville endormie ce matin.
Livré à la bise qui s'est réveillée, le silence pardonne les pensées inutiles.
Cela est, coup de marteau sur l'enclume !
le froid a vertu d'éveil et la nuit glaciale
est aussi un refuge pour accèder à soi-même !


lundi 2 février 2015

Le bleu du ciel est apparu en même temps que la pie à son poste de guet, au plus haut de l'arbre.
En arrêt, elle regarde le soleil qui décline avec cette lumière soulignée par un nuage sombre au bord de la colline.
L'arbre ne tressaille plus sous les assauts de la neige. Il tend ses branches couvertes de lichens comme s'il voulait s'arracher de la terre et peut-être enfin rire.
Mais le rire d'un arbre, est-ce possible ?
Les boules de gui qu'il est contraint de loger dans sa ramure s'agiteraient en tout sens. Cela ferait une drôle de danse, là-haut, avec les corbeaux qui ricanent et les merles persiffleurs ! Comme si c'était possible !
Mais les arbres ne rient pas. Tout juste tremblent-ils, surtout quand on les arrache parce qu'ils deviennent trop vieux et trop secs.
Un enfant parfois compte leurs années sur les vieilles souches. Mais cela n'intéresse personne l'âge d'un arbre. On préfère lui donner le coup de grâce, regarder tomber ce géant avec quelques feuilles lumineuses que le vent d'hiver n'a pas emporté. On préfère la chute à l'essor.
C'est comme cet homme, cigarillo aux lèvres qui sort de sa voiture en maugréant. C'est un bloc d'amertume. Son monde est éteint, et il projette sur le trottoir sa fumée de dragon. Il ne voit plus rien, ni les arbres, ni les pies qui méditent, ni le chien qui s'ennuie sur son paillasson.
Aurait-il vu la chute d'un oiseau, aussi brusque et rapide qu'un grêlon qui s'écrase sur sol ? Les oiseaux peuvent mourir en plein vol. Qui s'en préoccupe ?
Impossible de comprendre pourquoi il en est arrivé là ! Par le soupirail de ses yeux ne passent que des soupirs !
L'épaisseur des murailles humaines est phénoménale. On aimerait parler, on aimerait dire, presque à tout bout de champ : "Toi, si tu savais ce que j'ai vu dans tes yeux ...bien plus que des étoiles ! On aimerait boire à la même source, on aimerait plonger dans l'eau de ce reflet et se percher sur cet arbre, comme la pie, dans un monde à l'envers, petit à petit, pour ne plus revenir, partir avec un quignon de pain et sa réserve de sourires. Puis clamer partout : "Ne jouez plus le jeu des gens qui brisent nos échines, transforment la vie en loques. Il n'en vaut pas la peine, ni même une chandelle !
Mieux vaut l'océan qui s'aventure encore dans les rues de la ville et les rêves comme des barques qui ouvrent l'avenir !