dimanche 18 mai 2014

Tu ne comptes plus les jours ! Un geai dans le cerisier veille sur les cerises rouges, et toi, tu veilles sur les nuages radieux qui ont tout leur temps ! Ton voyage se poursuit. Tu délaisses les avions, les destinations. Tu ne t'arrêteras pas en si bon chemin. Humain, tu écoutes la peine. Des monceaux de nuit se déposent en toi comme du limon !
Tu ne fais rien, dis quelques mots comme des cailloux blancs. Tu es seulement l'espace, ou une mère qui pour une fois, donne son sang. Tu es seulement la porte du vent et la parole s'enroule dans les larmes et le souffle !

Il n'y a pas de jugement !

Haut et fort, tu le clames, messager muet et sans vêtements.Il y a une prairie dont la douceur des herbes  peut tout reprendre, guérir le premier cri de l'oiseau jeté du nid ! 

"Viens dans mes bras" chante-t-elle avec le merle qui a trouvé une nouvelle trille ! "Viens mon ami, viens mon amour, deviens sensible et frémissant comme le bouleau à la lisière des forêts ! Je tracerai en toi un signe secret qui te protégera ! Ecoute ce qui est bon pour toi , comme on s'endort au bord d'un torrent ! Sur un rocher d'argent, tu as brisé le couteau transmis depuis si longtemps. La lame, encore tâchée de sang, a été emportée par le courant !"

Voilà que tu deviens vivant ! Tu le sens en toi-même.Le poison des paroles mortes a perdu son pouvoir. Tu ne fermes plus ta fenêtre à la détresse qui gronde. Te voilà coeur ouvert, prêt à la poignée de main où s'éprouve l'étincelle vivante du réel, grande source sauvage où les visages retrouvent les poussières d'or de l'enfance !

Voilà que tu deviens à l'envers de celui qui prend, dévore, rejette et abandonne sans aucun remords ! Tu deviens et tu deviens, ensemble, dans la bienveillance des regards qui espèrent l'arbre au sortir de l'hiver !
Il n'y a plus qu'un seul mouvement, comme une seule souffrance : un nuage aux arrêts, enserré de liens prêts à tomber en poussière !

Vois que tu deviens ! Tu ne comprends rien à cet appel, cri fulgurant de l'hirondelle, ou vol de la grue au coucher du soleil ! Elle était là devant toi, à deux pas, si proche ! Tu n'as rien pu dire. Tu n'as rien pu faire ! Mais elle déchirait autre chose que le ciel rougeoyant, comme si elle emportait plus loin un morceau de toi-même !



dimanche 11 mai 2014





Giboulée de mai fait ce qui lui plait ! Branches arrachées, pétales de roses au loin dispersés ! Seuls les iris semblent résister ! 

Pendant l'éclaircie, les nuages blancs restent en embuscade derrière la colline. Un oiseau rigoureusement seul monte au zénith, lutte contre le vent, puis disparaît, tu ne sais comment. Était-ce une vision ?

Rigoureusement seul, tu te tiens à l'avant de ta fenêtre étrange. Tout s'y déroule immuablement dans le plus grand des silences. A qui écris-tu ? Ceux qui te liront comprendront-ils la carte incertaine du pays que tu habites ? C'est la contrée des yeux qui veulent rester ouverts. Arbres et oiseaux y inventent des danses toujours nouvelles. La parole n'y a plus cours puisque tout y parle d'une caresse qui cherche un chemin pour dénouer les étranglements de l'ombre.

C'est ton pays qui ne dit rien, qui attend toujours d'être rejoint, dans une grande patience, un pays qui ne compte pas le temps, qui invite tout doucement ceux qui veulent y entrer à se laisser rejoindre comme lorsqu'on s'allonge dans les herbes folles et que l'on oublie son corps tellement on est bien !

Une nouvelle menace assaille la lumière ! La pluie balafre l'espace qui noircit. Tout s'assombrit. Tu pourrais presque voir l'angoisse à couvert sous les arbres. La page blanche devient grise. Tes mains sont des ombres qui bougent encore !

A qui écris-tu ? Le ciel se déverse avec rage. Peut-être écris-tu pour ceux qui croient que tout est résolu, qu'il n'y a rien à comprendre, que le paysage derrière une fenêtre n'a qu'une dimension, ne recèle aucun mystère ? Peut-être écris-tu pour ceux qui ne regardent jamais l'espace ouvert au-dessus de leurs têtes, n'en éprouve aucune angoisse ou aucune ivresse, ont tout ce qu'il leur faut derrière leurs murs de pierre ? Peut-être écris-tu pour ceux  qui aperçoivent encore les oiseaux, mais sont seulement inquiets de leur liberté ?

Tout demeure en suspens. Tout reste voilé. Grondement de tonnerre ! Tes questions sont aussi des oiseaux qui disparaissent. Tu ne sais pas pour qui, ni pourquoi tu écris ! Simplement la vie, la caresse de ta vie qui va plus loin cherche le monde où l'on est enfin compris !






mardi 6 mai 2014

Rendre compte, être avec soi comme un arbre qui tremble sous la brise du soir, tu es attentif à ce qui se tait derrière les mots. Autre présence, autre langage ! 
Qu'est-ce qui te permet d'être debout ? Les roses croisées sur ton chemin de tous les jours ? Et si tout était de l'ordre du miracle . Plus grandit ta fragilité, plus il te semble disparaître, plus le monde s'offre comme une caresse ! Il y a les feuilles du noisetier qui se déplient comme un éventail, l'ombellifère qui se repose en elle-même dans l'équilibre de sa forme ! Il y a le réveil sur ton bureau qui n'est plus là pour marquer le temps mais pour introduire à la profondeur !
Tu plonges ! De quoi aurais-tu encore peur ? Tu croises des visages si beaux. On dirait des océans. Une telle douceur dans les regards comme l'avoine qui ondule dans les champs !
Ondulation des cheveux noir et argent de ta grand-mère qui est venue te voir, comme cela, un matin, par l'étrange chemin de ta mémoire, douceur d'une femme qui comprenait sans dire mot, cœur cloué par une souffrance qu'elle taisait pour préserver l'amour !  Mon petit, mon petit ! murmurait-elle et on ne sentait ni reproche, ni colère, seule l'infinie douceur qui venait de plus loin qu'elle !
Ce soir, le hêtre pourpre a retrouvé sa flamme.Il domine fièrement la colline et tu le regardes d'une manière neuve, ou plutôt, il vient à toi sans s'imposer. Il est encore là pour longtemps! Mais si personne ne le contemple, existera-t-il vraiment ?
Les oiseaux s'agitent un peu plus avec l'arrivée du soir, comme les humains qui font une dernière course avant de rentrer. Toi, tu écris, tu sens la fumée qui monte d'un jardin voisin. On y brûle des branches mortes avant la pluie. Est-ce ainsi la paix ? Le soir, avec ses odeurs, ses arbres qui n'écriront jamais ?
Venir au monde, tu le sais bien, personne ne le demande.Et pourtant tu aimerais qu'il advienne quelque chose ! Tu attends sans attendre, comme s'il fallait ouvrir les yeux encore plus grands !
La fumée s'éloigne, les fleurs du marronnier, chandelles roses et blanches, s'allument dans la nuit qui vient !


jeudi 1 mai 2014

Rouge érable, les feuilles crient vers la lumière. Cerné de liane, un arbre attend sa délivrance au pied de graminées qui signent le ciel délicatement. Sous la voûte des marronniers, tu regardes jouer la lumière. Les boursouflures de leurs troncs ressemblent à des enfants accrochés au ventre de leur mère ! Les fleurs de pissenlit montées en graine sont des nuages égarés dans une forêt vierge de fleurs. La rouille voyage aussi sur les portails des jardins abandonnés, pendant que les rhododendrons implorent un regard à travers le grillage. Il y a des poussières de soleil sur les boutons d'or. Une tribu d'étamines dansent dans la clairière blanche des aubépines !
Une porte s'entrouvre : tu montes en longeant des pierres moussues adoucies par le temps pour arriver à la prairie d'avant le monde des hommes, là où les herbes restent folles et poussent comme elles veulent. Le chèvrefeuille  est comme une étoile qui explose pour projeter ses senteurs. Les abeilles tourbillonnent à l'approche de l'orage. Te réfugieras-tu dans la cabane délabrée où sur une étagère moisissent quelques romans noirs !
Mais un reflet d'eau rouillée où finissent de mourir des feuilles t'appelle à vagabonder. La forêt sauvage devient translucide sous le ciel qui noircit. Des gerbes de fleurs blanches jaillissent des fourrés ! Un noisetier pourpre résiste à la marée verte prise dans une houle que rien maintenant ne peut arrêter. Il est temps de sortir du labyrinthe !
Tu rejoins les vergers, les premières maisonnées. Tu bois encore une peu de blancheur fleurie avant de recevoir sur ton front les premières gouttes. Tout s'assombrit soudain. Même les arbres fruitiers semblent se tordre et danser de douleur. Au pied du cerisier, une fenêtre turquoise t'appelle à l'intimité. Quelques éclairs, la violence de la pluie et tout s'éclaire. Les nuages redeviennent des méduses qui voguent sans savoir où aller pendant que la nuit monte de terre et découpe en ombre chinoise la colline qui s'ébroue !