mardi 28 juillet 2015

Dans le "bois du poète"
les feuillages retardent un peu la pluie.
La musique délicate des gouttes 
t'amène en ce lieu
où il n'y a plus rien à penser.
Si tu es, avant toute pensée,
qui es-tu vraiment ?

Ce n'est pas une question,
seulement des mots qui jouent
comme les cloches carillonnent,
seulement une phrase qui danse
toute imprégnée du chant des vagues
qui ne s'épuisent jamais à se jeter sur le rivage.

Tes pieds heurtent des galets en bord de côte.
Certains ne bougeront pas
avant la prochaine tempête.
Ils sont inertes à la merci de l'eau et du vent.
Tu es aussi à la merci du temps,
c'est ce que tu crois.
Peut-être faut-il refuser cela ?
Peut-être faut-il remercier le temps pour être saisi ?

"Saisi"

Oui, le mot est juste.
Saisi comme Elie dans son char de feu,
saisi par la vivacité de deux bergeronnettes
qui sautent dans la haie de fougères
avec sur leurs ailes un petit plumet jaune
qui luit comme un soleil,
saisi comme un couteau
dans le dos du temps,
et cette grande masse grise
s' effondrerait sur elle-même.

Que resterait-il alors ?
Peut-être serais-tu seulement vision ?

Tu verrais ce grand chien qui court sur le sable,
bondit, saute sur les vagues, l'énergie à l'état pur.
Tu verrais ce menhir en bord de route,
qui ouvre soudainement sa gueule
dans l'ombre du soir pour happer ta voiture.
Tu verrais cette mouette qui vole immobile
dans sa perfection.

Tu serais vision, n'ayant plus qu'un seul œil
qui s'étend, s'ouvre toujours plus grand,
délivré de l'angoisse, des heures passés
entre chien et loup.

Oui, saisi. Il n'y a pas d'autre mot.
Ne crois plus au temps
Deviens l'athée du temps.
La pluie chante sur les ardoises
du vieil hôtel-dieu de Tréguier.
Les cloches carillonnent pendant
que ton sang fait plus d'un tour
dans tes veines.

Une tourterelle roucoule et se promène 
sur la faîtière glissante de l'ancien toit,
s'envole jusqu'à une antenne qui ne sert à rien,
car le bâtiment est vide.
Peut-être voit-elle la mer cernée par les brumes ?
Elle est la vie avec toi
même si elle disparaît
d'un grand coup d'ailes

Le bruit du frigo
dans le petit studio
ressemble à un moteur de paquebot.
Te voilà embarqué, dieu sait où !


lundi 27 juillet 2015

Quelles histoires se racontent deux mouettes
sur le sable gris de l'estuaire ?
Tu ne rêves pas.
Elles papotent tranquillement.
Que sait-on de ce qui les unit ?


Cet après-midi, tu essayes de photographier
une mouette en plein vol.
Il y a quelque chose d'étrange.
Elle n'apparaît jamais dans l'objectif.
Elle glisse devant toi silencieuse,
sans un mouvement d'ailes
dans le sens contraire du vent.
Elle habite son monde.
Un appareil photo ne sert à rien.
les mouettes prisonnières d'une image
ne sont plus de vraie mouettes.

Le long de la plage marchent
beaucoup de couples âgés.
Certains se parlent. D'autre déambulent
regardent des enfants brunis qui s'ébattent
sur des rochers ocres.
"Est-ce ainsi que les hommes vivent",
déambulant, s'alourdissant
jusqu'à se tasser sur une chaise,
et se recroqueviller dans un lit ?

Enlisement !

L''air marin a d'autres senteurs que
celle des algues qui pourrissent,
des senteurs qui fouettent l'âme,
où il fait bon se perdre.
Chacun marche avec un océan à ses côtés.
Tu veux épouser la mouette qui ne fait plus d'effort pour voler.
Tu es sur le pont d'un voilier
qui quitte les berges rassurantes de l'estuaire.

Si la mer est salée, ce n'est pas pour rien.
Quelque chose brûle en elle.
Elle veut t'arracher à un mensonge.
Cela peut être âpre de le découvrir,
mais le vent est là qui attrape ta respiration au vol
pour s'y faire une place.
Tu sens qu'il pénètre en toi,
qu'il veut te partager un secret.

Tu ne peux plus te contenter d'être ce que tu n'es pas.

Partout des hortensias bleus, rouges, mauves, violets, blancs
dégoulinent des murs en boules énormes.
Cette profusion t'étonne.
Tu sais qu'elle est liée à une terre acide.
Mais peut-être y-a-t-il plus que cela ?
Peut-être certains se cachent derrière toutes ces couleurs
d'un appel trop fort ?

Peut-être est-ce difficile de vivre
avec la courbure de l'horizon à sa fenêtre,
avec les embruns qui se glissent sous les portes,
avec les mouettes qui se rient des clôtures,
des haies, des lourds portails de granit ?
Les hortensias débonnaires et généreux rassurent.
"Laisse-moi dormir la mer,
j'irai au large quand on m'emportera au cimetière !"


lundi 6 juillet 2015

Là où tu te retires,
ce peu de silence,
l'arbre dans la brise,
la trace blanche d'un avion
qui semble vouloir échapper au ciel,
il n'y a rien, même plus un cri.

Ton cerveau bout. L'herbe jaunit. la cloche sonne.
Le rugissement des moteurs
sont des vagues lointaines.

Tes pensées ne sont même pas jolies.
Juste des oiseaux déplumés
dans un volière trop étroite.

Tu es à une frontière en plein désert,
à une ligne de faille,
au bord du sommeil
quand le corps devient de l'argile.

Ton retour est inéluctable.
Ta place est prête parmi les étoiles
qui n'ont besoin d'aucun regard pour briller.

Plus personne à séduire.
C'est la vie qui te murmure ses mots doux.

Il en faut des rochers pour un peu de poussière
qui s'envole avec le vent.

Tu laisse maintenant écrire
les murmures de la mer
dans la coquille vide.

Tu n'es plus sûr de la fidélité du miroir.

Tu endosses la colline, passe la main
dans les feuillages pour trouver de l'espace.

Tu ne crois plus à tes chaînes, tu ne les secoues plus.
Tu n'en parles plus, 
car la parole leur donne du poids
auquel on tient même si on le nie.

Tu as des larmes au goût de pain,
au goût de terre brune.

Tu es à toi-même ton refuge
dans l'alcôve d'une humanité
toujours prête de se perdre.

Tu es bien semblable à ton semblable.
Pas besoin de chapeau orange
et de turlututu!

Tu deviens l'homme des demi-mots
qui devine un secret
sous l'écorce du langage.

Dans la ville en ruines de tes rêves,
le réel seul brille
comme les feuilles du bouleau
battent des ailes dans le soleil du soir.

Il n' y a rien à craindre.

Tout peut s'apaiser.
Ce n'est plus le dormeur qui respire.

Autre chose, peut-être ?