lundi 16 juin 2014

                                                                Merci José le Roy




"L'espace lui-même est en toi. Ce n'est pas toi qui es dans 

l'espace, l'espace est en toi : rejette-le voici déjà l'éternité"

Angélus Silésius




Ecoute, tu es assis, simplement conscient dans le silence 

de cette pièce. 

Dehors, le bouleau frémit, le peuplier est en transe, le 

sapin essaye 

d'écrire sur un coin bleu du ciel !

Tu n'y peux rien ! Cela respire, plus que tu ne respires ! 

Ecoute ton coeur 

qui bat ! 

C'est le tien, et pourtant tu ne lui commandes rien !

Et si tu pouvais voir le sang qui coule à flots dans tes 

veines 

et va jusqu'au bout de tes doigts  !

Ecoute, tu sens ce corps assis là, simplement dans le 

silence 

de cette pièce,

et toi, où es-tu, toi qui prend conscience en cet instant ?


Que tu fermes ou ouvres les yeux, des notes de piano 

parviennent à tes 

oreilles.


Ce monde qui apparait, ce ciel changeant qui ne finit 

jamais, où sont-ils ? 

Tu fermes les yeux. Dans ta conscience, seul le piano joue !


Es-tu dans ce monde comme une simple pierre sur le 

chemin, ou une feuille 

et ses nervures qui brillent au soleil ? Que décides-tu de 

faire apparaître en 

ta conscience ? 

Si tu te lèves et éteins la musique, il n'y aura plus que le 

silence qui siffle aux tympans !

Si tu fermes les yeux, plus profond que cette lourdeur dans 

la nuque, au delà du poids de tes poignets, qu'y a-t-il ? 


Es-tu seulement ce corps dans 

cet espace où tu es devenu aveugle ?


N'y a-t-il pas comme une liberté, une étrange liberté qui 

semble se dessiner, une liberté que rien ne peut entraver, 

que même un prisonnier 

peut découvrir, 

un liberté simplement ouverte par ta conscience ? 


Peux-tu dire tu es ceci ou cela, comme on épingle un 

papillon sur une planche ? 


Ne vois-tu pas que cette conscience échappe à toute 

définition ?


Approuves-tu toujours ce que les autres disent de toi ?


 Tout cela ne t’apparaît-il pas trop étroit, 

comme ce reflet dans le miroir qui reste à 

jamais un reflet limité ?


Quel monde va apparaître maintenant 

en ta conscience libre et infinie ?






lundi 9 juin 2014

Cerises abandonnées au plus haut de l'arbre, graines qui flottent au vent, oiseaux en promenade à couvert des arbres, voilà ce que tu vois ! Tu laisses du temps au temps. Tu suis le mouvement des feuillages. Les martinets passent en flèche pour donner vie à l'espace !
Tant de tendresse ! Serait-il donc trop tard ? Tant de combats ! Quelles armes peux-tu donc encore déposer ? Tout serait-il à reprendre, ou finiras-tu comme un tas d'argile qui craquelle ? La vie s'enfuira-t-elle par tes doigts comme une eau pure qu'on ne peut retenir ?
Le vent se lève. Les feuillages frémissent de plus belle. La robe rouge des cerises brille d'un éclat plus fort !
Dis-moi, après toutes ces années, tu ne vois pas encore l'abîme où tu t'abîmes, ce désir de n'être plus là, de disparaître en un sommeil dont on ne revient pas ?
Alors pourquoi ?
Pourquoi ne pas saisir la main qui se tend ? Pourquoi ne pas accrocher ton sourire à un autre sourire, et t'envoler soudain ? Pourquoi ne pas être disponible à cette vie nouvelle qui t'appelle ? Pourquoi t'accrocher à des rivages où la mort, lentement, se retire laissant des poissons d'argent mourir dans leur vase ?
Que cherches-tu à retenir ? Qu'as-tu peur d'abandonner, alors que les murs dans lesquels tu vis ressemblent peu à peu à une tombe ?
Oui, tout est peut être à reprendre, tout est à envisager comme une vie s'éclaire dans la rencontre d'autres visages. Tu ne peux rester là à te morfondre, à être un mort qui fond doucement au soleil de sa lâcheté !
Souviens-toi des regards qui voyaient plus loin en toi, espéraient pour toi ce pays que tu refusais de voir, avais tant de mal à habiter ?
Il est toujours temps que le temps ne devienne  une bouche géante qui t'engloutit, et où tu pourriras doucement jusqu'aux dernières jointures !
Vis vraiment, avant que ta vie ne devienne une mort lente, où les roses n'ont plus de parfum, les merles plus de chant  quand l'aube ouvre des portes secrètes !
Vis vraiment avant que ta mort signe le document final qui rejoindra d'autres formulaires qu'aucune larme n'a tâché, qu'aucun cri n'a percé, qu'aucune folie n'a embrasé !



dimanche 1 juin 2014

Là où tu es,

relis ta vie,
relie ta vie !

Ne cherche pas 
d'autre endroit
qu'ici,

là où tu vis, 
là où tu demeures !

Là où tu es,

ouvre ta porte,
te porte l'océan !

Ne cherche pas refuge
loin de l'autre
qui t'attend,

là où tu vis !

Là où tu cries,
crie plus fort encore,
crie que tu existes !

Ne deviens pas
gris comme la muraille !
Ne retourne pas dormir,

là où est la mort !

Là où tu souffres,

laisse-toi rejoindre
par d'autres voix,
soulage les peines,
oublie la tienne !

Ne cherche pas de remèdes
qui laisse ton âme
en haillons,

là où tout se referme !

Là où tu pleures,

écoute l'hirondelle
qui appelle ton coeur
à la vérité d'un nuage !

Ne cherche pas à retenir
la rivière qui emporte 
au loin ton poison,

là où les flammes font du bien !

Là où tu doutes,

garde confiance,
comme un homme
aime l'arbre qu'il a planté !

Ne soupçonne rien,
ni personne, même pas celui
vautré dans sa rancoeur,

là où tu vis !

Là où tu es,
sème ta graine fraternelle
dans les orties d'un monde
qui s'emprisonne !

Ne crois pas
le prophète des malheurs
qui habite un rêve de givre
où tout est figé,

là où tu es !

Nulle part ailleurs !



Rien à dire, langage mort, tu deviens guetteur d'imperceptibles courants ! En quelques heures, la fleur de datura déploie sa corolle, cellules qui se collent à d'autres cellules ! Dans quel but ?
Rien à dire, yeux écarquillés traversées de réalité, ton sang bouillonne, ton cœur est une horloge qui avance vers l'immobile !
Dans ce tohu-bohu, tu appelles, tu cries un nom pour écarter des tentures impassibles, t'arracher des lianes, effroyables chevelures obscures qui désirent ta noyade !
Ta table est une île, un roc où tu t'arrimes, ton crayon, ton cri pour être avec l'océan, connaître avec sa houle toute la force de vivre !
Rien à dire, tout à dire !Par les mots qu'aucun pouvoir n'emprisonne, parle l'être !
Parle ton être, déferle ta vie ! Merle et merlette vont et viennent aux abords de la glycine pour nourrir leurs petits. Aucune lassitude dans ce manège incessant !La vie nourrit la vie ! Le rosier blanc est une montagne de neige. Le feu des pavots fume encore ! Les pivoines devenues chauves penchent vers la terre.
Aussi fier sois-tu, toi aussi tu te pencheras vers ce qui a soutenu chacun de tes pas. Que tu le veuilles ou non, tu franchiras la porte, tu verras la nudité s'approcher comme une princesse pose un baiser sur le front de celui qui dort !
Rien à dire et que dire encore ! Partout il pleut des mensonges qui donnent une eau noire ! La voilà qui dévale le caniveau, cherche un soupirail comme l'égaré espère l'issue ! Qu'elle y disparaisse à jamais !
Le pus en allé, au travers de l'abcès bat l'immensité !
Ici, on respire ! Cœur à cœur, tel est le premier secours ! Fini les plans, les échafaudages ! Ici, on ne te demandera pas ta carte !On voudra voir le diamant qui pousse en tes entrailles.On voudra voir ta chair qui palpite et qui irradie.On parcourra les horizons pour un regard de prairie, pour une main étincelle, pour une étreinte où tout se renouvelle !
Il fera bon loin des programmes, des promesses jamais tenues ! Rien à dire, langage mort ! Les muets, les anéantis, les blafards, les clopin-clopant, les assassinés d'un regard, les poignardés d'un mot vendront sous toutes les fenêtres hautaine et pour une fois, on entendra leur voix, qui n'ont rien à dire, tout à dire, dans ce désir de vivre !