mercredi 30 juillet 2014

A la croisée tu arrives, là où les appels se perdent, là où la voix ne porte plus, étendue où le regard cherche en vain un point d'appui. Passage de l'épervier, comme pour soulever ce qui doit être soulevé !

C'est l'heure où passe un souffle qui est derrière ton dos, prêt à accompagner ton premier pas. C'est l'heure où le couteau non-sanglant tranche ce qui est à trancher. Une autre parole est venue par les herbes sauvages qui émergent à l'aube de leur bain de rosée !

C'est l'heure où tu franchis la crête, quittes l'ombre de la vallée pour surgir avec l'aube des cimes qui dessine une promesse. Tu deviens le serviteur, heure par heure, de l'imprévu, là où la tendresse éveille la première étoile de l'enfant graine.

Tu acceptes que le silence enfante une parole qui ne t'appartienne plus, celle que tu prononces en ton absence, sans y être pour rien, celle qui est avec ton corps, non plus comme l'habit, mais comme le sang !

C'est l'heure où le miroir n'a plus aucun espoir. Tu gagnes l'absence et la paix pour que s'y écoule la violence sans nom qui balafre la lumière du jardin toujours offert !

Tu ne te sers plus des mots. Tu te donnes à ce qui vient quand ne reste plus qu'un sourire échappé de l'abîme, là, accompagné de qui te veut du bien, avec le chant des anges dans les arbres, la timidité des mésanges qui se posent à peine sur les branches, et tout être humain qui prend ses distances avec la mort !


dimanche 27 juillet 2014

Toujours sur la corde raide, tu vacilles, de vide en vide. Il n'y a même plus une ombre.

 Le cri de la buse marque l'éloignement ! Le long de la route sinueuse, les bosquets d'arbre semblent venir d'un autre âge.

Et la feuille de l'arbre reste sensible à l'extrême. Elle exprime ton propre tremblement, tes propres vacillements. Qu'y-a-t-il donc là en cette fragilité ? Tout est déposé. la fuite d'un moineau est un signe d'évanescence. 

Tu guettes des ailes possibles dans le regard, ne croises que des corps dans la peine, des pieds qui martèlent. Qui te sortira de cette fondrière ?

Reflet dans la flaque : majesté d'un monde que seul le têtard trouble ! Reflet, ta vie,...et tout s'efface ! Tu as épousé ton péril comme d'autres choisissent l'armure, et tu ne trouves qu'une brûlure !

Rien ne t'a été laissé ! 

Tous autant que nous sommes, nous dérangeons le sommeil de la biche dans un fourré oublié. Craquement de branches ! Avant de s'enfuir, d'un long regard noir, elle toise l'intrus qui a profané son silence !

Qu'est-ce donc qui te prend tout et te laisse dans un cri qui ne dira rien à personne ?

Tu es devenu une fenêtre qu'une main ouvre négligemment, parfois, pour que les nuages prolongent leurs caresses. Rien ne s'y passe que l'éternel passage de ce qui vit !

Qui te consolera, sinon toi-même, libre de tout lien, consolateur comme une mésange sait le faire sur l'herbe qui ploie, pont fragile au dessus de l'obscurité de la rivière ?

Il est trop tard maintenant ! La fenêtre est entrée dans ton âme !

Les volets battent avec l'orage. La grande Aigrette regagne son gîte sous les éclairs.

Rien ne t'a été laissé ! Tu ne peux qu'être là, à ta place de solitude, pour que tout s'apaise et qu'un enfant s'endorme dans son nid d'étoiles, certain qu'on l'aime, même si les lèvres ou la main sur son front ne reviennent pas !


peinture de Toutounov

mardi 22 juillet 2014

                                                                                          "Or d'infini, vous n'avez que                                                                 l'amour et le désir de votre                                                                   âme"
                                                               Catherine de Sienne


Où es-tu désir ?

La pluie grise envahit tout. Tu entends l'eau qui ruisselle dans les caniveaux. Tu attends qu'il se passe vraiment quelque chose. De l'or qui t'envahirait, impalpable, comme un retour, ou les flammes d'un simple feu de bois qui se prolongent, caressent tes paysages !

Où es-tu désir ? 

Tu dois te lever au moment même où tu n'espères plus rien, comme un chevreuil qui surgit d'un fourré alors qu'on n'y pensait pas ! Des sous-bois en toi, à la lumière tamisée, attendent ton passage ! Tu peux être une pierre ardente dans sa fixité, mais fragile comme la feuille d'un tremble qui perçoit le moindre souffle. Et si tu t'enlises, allonge-toi sur le sable. Endors-toi ! Un rêve te réveillera où tu seras ce que tu dois être !

Crois-moi, tu ne dois pas mourir, avant le dernier battement de coeur !

La pluie grise envahit tout, sauf ce désir qui surgit de la cendre, de la coulée de boue, des ruines fumantes !
Tu te lèveras, tu te relèveras ! Il y a une parole en toi. Des arbres morts entravent les mots. La lueur de l'étang à l'horizon noirci de taillis et de ronces est ton seul réconfort. Il y a une parole trop à couvert sous les sapinières, une parole qui est aussi un rire, ou la tendresse de la rosée sur les ombellifères.La pluie grise redouble d'intensité.

Mais elle ne coule pas en toi. Elle ne t'emporte pas !

Où es-tu désir qui fait pâlir les désirs qui ne mènent à rien ? Quelle terre nouvelle va surgir à la répétition du cri ? La chicorée sauvage se balancera-t-elle dans les hautes herbes de ce pays vivant ?

Tu te tiens près des roseaux ou des foulques trouvent refuge pour leur nichée. Tu gardes aussi ton secret. Tu redoutes la martre voleuse d’œufs ! Tu attendras encore en solitude, apaisé de ton manque comme une fleur qui s'ouvre, mais n'est jamais ouverte !

Passage du cygne noir insaisissable !




Dire comme celui qui se tient à la porte, l'entrouvre, désigne l'espace, la véritable respiration, tes mots ne peuvent être là pour une explication. Ils sont des papillons qui jouent à frôler le pare-brise des voitures, l'hirondelle qui frôle dans un looping audacieux le visage d'un promeneur !

Tu es un homme des lisières, un maraudeur des orées. Tu es un buveur d'aube, tu te baignes de lueurs nocturnes, affamé d'étoiles qui se donnent en festin !

Tu ne construis rien, tu vois les tours qui vacillent avant qu'elles ne s'élèvent! Tu accompagnes le vent nomade qui transperce les collines, voit d'autres prairies où se perdre! Tu sèmes des mots qui ne convaincront personne, des mots qui viennent d'un fond où la nuit bouillonne avec le jour, où le chant n'a pas besoin de signature, des mots graines où les fleurs éclosent à l'instant même, des mots fleurs qui s'accrochent aux barreaux des âmes fenêtres, des mots cris qui veulent plus de vie, comme si dire permettait de vivre !

Tu n'as pas d'autre solution !

Le silence te mange, le silence te ferme les yeux, pour que tu retrouves l'enfant qui invente un monde où personne ne pénètre, un monde pour être avec le plus subtil de soi-même, un monde où le feu patiente derrière l'écorce, où la main qui se tend ne se retire jamais, mais diffuse une chaleur qui rend invulnérable, un monde qui permet de regarder le monde comme une erreur qui s'apaise !
Tu n'as pas d'autre vie, pas d'autres univers que le tien qui avance, cahin-caha, qui souffre de son mal et de son innocence, qui lève les yeux malgré l'ordre absurde de mépriser le ciel.

Tu n'as pas d'autres vie !

Tu ne peux que lever la tête, aller au plus haut des feuillages de l'arbres, y accrocher la lune, y dessiner des étoiles, pour ne plus choisir les ruse de la mort qui ligote ton verbe et le jette dans un puits !


Arriver là en cet instant où l'on sait que ce ne saurait être mieux, amoureux d'un rayon de soleil sur une table ronde ! Arriver là à respirer le silence, comme le grand vent qui accompagne l'éclaircie !
 Tu te tiens en suspens, entouré d'hirondelles qui volent dans le soir, inventent des chemins, poussent leurs cris. Tu te tiens là comme la buse au guet sur son piquet de champ, sans rien savoir, sans rien comprendre, avec une source au plus obscur, avec l'homme qui tombe, l'homme effondré, qui découvre la douceur de l'herbe, ne pouvant tomber plus bas. 
Là, au cœur de toi, amoureux d'un rayon de soleil qui passe sa main de lumière sur ton bras, et tu ouvres les yeux, tu ne cache plus ta blessure. Tu es en ton humanité à la jointure de tous les autres êtres humains. Tu t'abaisses parce qu'il ne t'es plus possible de t'élever. Tu épouses la mousse des forêts. Tu frottes ta joue à l'écorce de l'arbre. Tu te retrouves, comme tu écartes l'ombre d'un visage, en le prenant entre tes mains  !
Tu vois clairement ce qui est bon à vivre, comme lorsqu'on respire la bonne odeur d'un drap un peu rêche. Tu cherches des mots pour ce passage, car cela passe en toi mystérieusement, comme une grande coulée, un étonnement inexplicable. 
Tout vit ici dans une joie douloureuse, avec le feuillage couvert de larmes d'or ! Quels autres mots trouver, lorsqu'on s'enfonce dans le silence devenu nourriture, lorsqu'on voit autrement, lorsqu'on voit la vie bonne qui ouvre le chemin, éclairs blanc sur les ailes de la bergeronnette, loin de la vipère éventrée sur le goudron ?


mardi 1 juillet 2014

Tout est si fragile. Le fil d'araignée se brise d'un soupir. Tu avances et tu comprends. Tu n'as peut-être même pas commencé, comme s'il fallait que les nuages descendent sur terre ! Car il y a de la majesté, même en tournant la cuillère dans sa tasse de thé ! Tout est ainsi ...si fragile ! Est-ce possible que tout se recouvre de larmes ? Est-ce possible qu'aucun cœur ne dorme ? 
Dis-toi que tu peux ! Dis-toi que tout peut s'ouvrir ! Tous les envols d'oiseaux, dans un brusque mouvement d'ailes, deviendront des annonces. L'élancement du peuplier et ses feuilles qui tremblent t'appellent aussi à frémir, à être en sursis, à effleurer de tes pas le bitume, comme si tu avais peur d'être en trop !
Dis-toi que doit se déverser un poison qui te ronge les ailes dans le secret d'une chambre, et que se rassembleront devant toi des morceaux de toi-même que tu croyais perdu ! Dis-toi que tu écris comme on connait l'endroit où un baiser est à sa place !
Et tu sortiras d'un taillis de ronces, avec une couronne d'épines qui est devenu lumière, et tu seras encore plus fragile ! Tu ne pourras rien dire de ce qui t'arrive ! Tu obéiras à la graine d'épilobe qui se perd dans le vent !
Est-ce plus qu'une histoire de désir, comme s'il fallait réécrire le monde, lui révéler ses splendeurs avec des mots qui ont le poids de tous les cris de l'homme qui tombe, qui s'effondre, peut-être ne se relèvera plus !
Tu n'as que ta colline, le hêtre pourpre qui ne bougera pas, n'attends rien, accepte le coup sec du bec du pic-vert sur son tronc ! Tu n'as qu'un morceau de ciel bleu pour boire à longs traits de l'espace, boire, respirer en même temps !
Qu'y-a-t-il donc dans ce déchirement qui se perpétue ? Qu'y-a-t-il chez cet homme qui hésite au passage d'un train ? Qu'y-a-t-il  dans le cœur de cette femme qui prend chaque coup de marteau sur le mur de son voisin comme un coup sur sa tête, et qui n'en démord pas ?
Et pourquoi sur ce trottoir ensoleillé, une petite fille toute frêle, sac au dos, avance comme si rien ne pesait sur elle, et la rue devient avenue qui mène au château des rêves les plus fous !
Tu deviens le silence, tu deviens le vagabond avec son tatouage sur le bras :"Né pour mourir" !
Tu t'en veux aussi de n'être plus papillon, mais gros bourdon à moitié ivre qui se heurte aux vitres !
Peut-être passe-t-on à un autre temps ? Tout s’affole, tout se dérègle. Plus personne ne gère, et c'est très bien que les armures se désarticulent, que les rouages tournent en tout sens !
Il reste la pie sur l'if noir qui se balance au gré du vent ! Il reste la nudité qui se révèle ! Il reste ceux qui n'ont plus rien à perdre, qui ne s'accroche pas aux vestiges dont il ne restera pas une pierre dans l'aube qui sera une porte !
Tu gardes seulement ton souffle : peut-être que le ciel rentre en toi lorsque tu respires ?
Tu garderas le mouvement du stylo sur le papier. Tu garderas la page qui se tourne ! C'est ce chant qui avance dans les broussailles, qui n'a pas peur des ruelles perdues, des impasses où l'issue apparait dans une flaque ! C'est le feu allumé avec un bout de chiffon et des feuilles mortes, un feu qui réchauffe vraiment avec ses flammes amicales. C'est l'eau un peu trouble d'une rivière qui te rend ton visage au petit matin, et tu ne sais pas comment ! Quelque chose brille dans tes yeux. Tu serais capable d'arrêter un inconnu dans la rue pour lui dire que tu veux vivre !
Le s tombeaux enferment le vide, les os qui tombent en poussière, mais il y a parfois des pois de senteur dans les caniveaux, et ton coeur qui voudrait respirer plus fort, quitter sa cage, et effleurer tous les êtres universellement !