jeudi 30 janvier 2014

Tu ne comprends pas cette trouée soudaine. Tout s'est élargi. Tout respire à nouveau. Tu te sens aussi fragile que le jasmin d'hiver épargné par le froid. Tu es avec le frémissement des pigeons perchés au plus haut de l'arbre qui se découpe comme une ombre chinoise dans la clarté de l'aube ! Tu cours avec la jeune écolière qui semble oublier le lourd cartable sur ses épaules. Tu as traversé toutes les illusions et tu goûtes le vin du réel comme tu ne l'as jamais goûté. Tu as payé le prix, sans savoir à qui tu as remis la somme, pour sortir de l'antre où tu étouffais. Tu ne désires plus que le ruissellement de cette vie qui se donne sans conditions. Qu'il est bon de respirer, de connaître le nuage dans son intimité spacieuse, dans son silence souverain et de se laisser emporter comme lui dans un glissement presque imperceptible, paisible et sans attente ! Tu es si vaste quand tu ne t'aperçois plus, quand tu te perds de vue et que naît en toi le chant de ton oubli ! Qu'il est bon d'être passeur d'un chant qui rompt les barreaux de la prison du temps ! Tu ne comprends rien, mais tu rejoins ce qui seul compte à tes yeux. Il  n'y a plus que la simplicité de la pluie d'hiver où se mêlent des papillons de neige fondue, la douceur du chant des oiseaux qui profitent d'un pâle soleil pour dominer sans effort le vacarme de la rue, la tendresse d'une primevère au pied d'un mur qui défie avant l'heure l'hiver sans froidure !


samedi 25 janvier 2014

Peut-être ce jour viendra-t-il où tu n'auras plus rien à écrire ? Peut-être suffira-t-il de contempler le réel dans ses infinies possibilités comme cette lune au bout d'une branche, ce corbeau sur un fil, ou les reflets mystérieux de l'eau dans un lavoir ? Peut-être avanceras-tu dans l'existence soudainement devenu muet comme une pierre que le soleil réchauffe ? Ce qui est vraiment est tellement plus loin que les mots, comme cette lueur dans le regard d'une biche surprise à l'orée de la forêt, ou la branche d'un arbre qui se met à grincer quand se lève le vent qui vient de la mer ! Tu penses à cette phrase d'un poète que tu aimes :"Je suis ici l'erreur qui s'apaise !" Tu es ici des mots qui reflètent avec peine un peu de cette lumière ! Toujours quelque chose t'échappe. Cela est sur le bout de tes lèvres, mais jamais ne sera prononcé ! Tu as à être l'homme qui s'incline, se retire et s'efface. Tu ne peux rien protéger, tu ne peux rien défendre. Il y a seulement la simple évidence qui demeure au pied de pensées mortes, un étonnement, une stupeur. Tu le trouves parfois dans un regard d'enfant qui ne calcule rien, joue des heures à passer la main sous l'eau du robinet, prépare avec soin une soupe d'herbes et de fleurs au fond du jardin. Tu l'aperçois quand la lune vient se poster à la fenêtre comme pour accompagner d'un halo de blancheur la respiration des dormeurs ! C'est ainsi que tu acceptes de n'y rien comprendre, même si tu aimerais nager dans un océan de douceur ! Tu passerais sans peine sous le bruit effarant des mots d'ordre et des slogans, échapperait à la fureur de ceux qui utilisent le monde et n'en laissent qu'une dépouille ! Tu veux être un homme qui a conscience qu'à tout moment des vies se brisent. Tu accompagnes ainsi ceux qui appellent à la tendresse. Le jardin, l'hiver, n'est pas en deuil. Sous le givre et la pourriture des feuilles, des graines sont un mystère à elles-même. Chacun est enfoui dans une terre. Personne n'en sait rien. Combien de temps avant que cela lève !




samedi 18 janvier 2014

Si l'hiver ne vient pas, qu'en sera-t-il du printemps ? Tu penses aux courses que tu as fait ce matin. Environné d'une telle abondance, tu ne savais par où commencer comme si envahi par tant de choses, tout perdait sens. Il a bien fallu se résoudre à choisir un article, puis un autre. Seule la caissière t'a souri. Ce fut l'unique éclair de sens dans cet océan de produits ! De retour à la maison, tu regardes le ciel se couvrir peu à peu. Tu penses à ceux qui te sont proches, qui ne peuvent accepter une vie insignifiante, une vie perdue pour un peu plus d'argent, un peu plus de confort pour s'endormir dans le néant. Est-ce cela vivre ? Est-ce cela ton désir ? Tu restes un long moment sans aucune réponse à tes questions. Tu vois près de toi des regards qui essayent d'aller plus loin, des sourires qui envisagent l'avenir. Serait-il possible de s'arrêter un peu, de prendre du temps, de découvrir chez l'autre de nouveaux continents ? Vas-tu ainsi figer la vie par tes jugements ? Vas-tu prendre le risque de voir plus loin qu'une parole malheureuse, un geste brusque ? Si tes actes te révèlent, tu sais bien que tu vaux infiniment plus que tes actes, et que cette valeur demeure malgré tes erreurs. Tu veux croire que cela est toujours possible, que du neuf peut surgir et que les plus belles fleurs poussent parfois dans les terres arides. Oui, ta liberté est là, entière, à l'instant où tu écris ! Tu peux déjouer les prophéties de malheur où ta vie s'assombrit, casser les cercles qui t'amènent à ne pas te respecter, à être le bourreau de toi-même ! Tu vois qu'un coeur brisé peut être une chance : à l'endroit de la blessure, il y a un point qui te permet de comprendre tout être, de comprendre même la méchanceté, comme l'épine fichée dans le dos de la sorcière qui poursuit Kirikou. Tu veux rejoindre ce point, y faire ta demeure ! Tu peux y rencontrer une douceur qui ressemble à celle d'une mère qui berce son enfant et qui peu à peu te donne de lire des secrets derrière les visages les plus fermés. Sans rien savoir, sans pouvoir expliquer, tu vois que ce point est le fanal dans ta nuit, une flamme que rien n'engloutit !




jeudi 16 janvier 2014

Tu marchais ce matin sous la pluie un peu comme dans un rêve. Prisonniers de leur habitacle d'acier, des automobilistes attendaient au feu rouge. Tu percevais à peine leur regard. Pensaient-ils seulement ? Ils se rendaient à leur travail encore accompagnés des songes de la nuit. Et toi, tu tentais de rejoindre un bref instant le ciel dans les flaques. Pas après pas, vers où ?  Tu marchais et il te semblait mieux comprendre le courage de chacun pour tenir sa place malgré tout , se lever, s'habiller, conduire les enfants à l'école, sourire à son voisin sur le trottoir, comme si chacun était environné du même mystère ! Et ce soir, après avoir croisé tant de visages, après tant de mots tus ou prononcés, tu te demandes où se trouve la braise sous l'implacable quotidien.  Pourtant tout en marchant sous la pluie, avec en ligne de mire la légère clarté qu'on devinait en direction du soleil levant, tu avais le pressentiment que tout pourrait être si simple ! Rester étonné déjà ! Etonné d'être là, étonné de respirer, étonné d'avoir conscience. Pas après pas dans la conscience d'être un peu un rescapé. A quoi chacun a-t-il échappé ? N'est-ce pas déjà de disparaître, de ne plus sentir l'air encore chargé des senteurs de la nuit en ouvrant la porte de sa maison, de ne plus croiser ce  petit monsieur timide dans son bleu de travail trop grand, ou le grand cèdre protégé maintenant par une clôture, car certaines de ses branches en vieillissant sont devenues fragiles ? Tu es vivant, simplement vivant et en terminant cette phrase tu revois ces photos étonnantes d'un homme avant sa mort et après. Chacun ne marche-t-il pas vers une vie plus grande  ?



samedi 11 janvier 2014

A qui écris-tu ? Où tes mots te conduisent-ils ? Tu te mets simplement en route pour donner plus de poids à quelques instants. Tu ne veux pas qu'ils retournent au néant. Splendeur ou stupeur, tu ne sais pas très bien, mais c'est le même surgissement, une trouée où, sans l'avoir désiré, tu accèdes à la vie telle qu'elle devrait être, comme illuminée de l'intérieur. Cette parole qui vient à toi ne t'appartient pas. Elle est d'un autre ordre. Elle est avec ces deux merles siffleurs que balance le vent, qui se méprennent sur l'arrivée du printemps. Elle est avec le regard d'un enfant dans le bus qui semble te demander :"Dans quel monde habites-tu ? Serai-je moi aussi obligé d'avoir un visage gris et des plis d'amertume au bord des lèvres ?". Tu es venu au monde sans l'avoir demandé. Cela fait déjà quelques années. Venir au monde ? Tu n'arrêtes pas d'y venir, d'y revenir pour mieux voir, compagnon des méandres du temps. Et cette parole vient aussi sans que tu le demandes. Elle te devance, elle chante en toi. Elle t'offre des ailes que tu ne peux te donner. Elle est plus vivante que tu ne le sera jamais. Il te revient en mémoire ces quelques vers d'un chant ancien : "Obstiné, par ta cruelle impatience, par ton insistance sans pitié, veux-tu vraiment, par le feu, forcer les boutons à s'ouvrir et les fleurs à fleurir pour remplir d'air leur parfum ?" 
Tu ne peux que consentir, aller toujours plus loin dans ce consentement. Un soleil d'argent a trouvé une fenêtre pour illuminer ce moment qui te semblait noyé de grisaille. Coïncidence ? Tu goûtes cet instant, tu es proche de ce chant dont personne ne s'empare et qui a la même patience que les nuages qui ne finissent jamais de parcourir la terre. Le hêtre pourpre sur la colline te restera fidèle. Jamais il ne te trompera. Il n'a qu'une place et il la tient. Il connaît le silence où viennent se briser les mensonges des hommes ! Tu n'arrives pas à décrire ce qui se passe en toi. Tu restes à l'écoute, suit du regard les volutes de fumée blanche qui sortent des cheminées des immeubles. Il y a un courant plus profond, tu le pressens, une rivière qui s'accorde au rythme des saisons et coule en toi avec une douceur invincible ! Comme cette eau semble maintenant emporter au loin l'offrande de quelques pétales, signes de la main ouverte. Tu n'as rien pu retenir. Derrière tous ces mots, il y a une autre langue que tu acceptes de ne pas rejoindre. C'est elle qui est à l'exacte mesure de la merveille d'être. C'est elle qui te fait souffrir de ton opacité. Mais il n'y a pas d'amoindrissement. C'est comme une graine qui lève, une enfantement !



dimanche 5 janvier 2014

A ta manière, tu suis l'étoile ! Que cherchaient donc les rois-mages ? Que cherches-tu en cet après-midi d'apparitions et de disparitions du soleil ? Les arbres calcinés par l'hiver tendent leurs branches dans une débauche de nuages. On croirait un incendie sans flammes. La ville semble dormir. Toi, tu songes à l'étoile, celle qui te comblerait vraiment, celle qui te permettrait d'accéder à une véritable liberté. Tu sais bien où elle s'est arrêtée pour les rois-mages, juste au dessus d'un enfant fragile et sans défense, un enfant à la merci du poignard d'Hérode ou de ton épée à toi, ta violence toujours prête à surgir ! Tu sais bien que cet enfant est en toi, mais il n'y est pas à la manière d'une poupée de cire sur la paille. Il y est comme la présence d'un funambule sur son filin d'acier ou d'une danseuse qui fait une pointe et tourne dans un miracle d'équilibre. Il y est à la mesure de ta révérence lorsque tu lui cèdes la place qui est la sienne, que tu occupes si souvent de manière indue, bouffi d'orgueil comme la grenouille de la fable ! L'étoile et l'enfant se sont rejoints. Les rois-mages ont offerts leurs présents et toi, tu offres ton présent, libéré du passé et ouvert à l'avenir. Les nuages maintenant ressemblent à des montagnes lointaines où demeure le silence. Mais sont-elles vraiment en dehors de toi ? Elles t'habitent, elles règnent en toi, sont la part virginal de ton âme. Tu lâches tout, tu abandonnes tout pour cet enfant, aussi réel que ce rayon de soleil qui révèle tous les défauts du bois de ta table de travail. Tu comprends que l'innocence absolue d'un enfant qui vient de naître est comme cette lumière. Il n'y a de juge que toi-même ! Ne quitte pas l'étoile des yeux, disparais en elle ! Si, toi aussi, tu es un roi, choisis là pour reine !