mardi 16 juin 2015

Un pigeon sur un bastingage
regarde les gens passer.
Peut-être essaye-t-il
de comprendre l'humanité
comme l'homme essaye
de comprendre le regard d'un chien ?


Tu rêves d'une vie de pigeon,
même si souvent on te prend
pour un pigeon.
Pourquoi d'ailleurs dit-on :
"Ne te fais pas pigeonner !"

Il y a quelques jours
tu as vu un de ses confrères
sur une antenne de télé à l'aube.
Il prenait son bain de soleil levant.
Ce n'était pas de la projection.
Il ébrouait ses ailes.
Il se baignait dans
cette toute jeune lumière.
Rien ne le pressait.
Juste à côté le cerisier
regorge de cerises.

Tu l'a vu de ta maison
en hauteur qui domine la ville.
Celui qui franchit le seuil
de cette demeure
ne sait pas ce qu'il risque
à s'asseoir à côté de quelqu'un
qui rêve d'être un pigeon.
Un coup de bec ?
Un coup de patte ?
Non, simplement ouvrir les yeux
devant l'espace d'une fenêtre,
ne plus croire
qu'on est quelqu'un
qu'on a de l'importance,
Ne plus s'accrocher à son cagibi,
à ses vieilles serpillières,
mais être une porte battante
sur l'immense.

Voilà ce qu'il risque !
Peut-être sera-t-il surpris aussi
qu'autant d'oiseaux volent pour rien,
ont des trajets aléatoires,
montent et descendent sans but,
prennent plaisir à toujours se percher
sur les plus hautes branches des arbres.

Tu lui diras de prendre son temps,
de mettre sur un cintre
ce petit homme trop étroit,
de devenir un pigeon
devant cette fenêtre
et surtout de ne rien attendre,
d'être un buvard pour l'encre du ciel.

S'il reste ainsi longtemps
tu peux être sûr qu'il est de la famille,
qu'enfant il s'échappait déjà par la fenêtre
et que les livres qu'il lisait étaient
la nourriture nécessaire
à la poursuite de son vol.
Tu auras trouvé plus qu'un ami,
un frère ou une sœur,
qui a fait le serment, tout comme toi,
de ne jamais redescendre
pour échanger son rêve
contre de la pacotille.

Un pigeon perché
sur un bastingage
n'est jamais tout seul !


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