samedi 5 septembre 2015

J'ai des mots pour écarter l'hiver qui vient.
L'écho du chant de deux femmes
m'accompagne.
Les arbres doivent retrouver
leurs feuillages frémissants
d'oiseaux et de vent.

J'ai des mots pour le ciel
qui se chargent de lanières
et de feu sans lumière.

J'ai des mots cailloux blancs
dans une forêt de rues
qui ont perdu leurs noms.
On y croise des visages
qui ont prêté serment
à leurs chaussures.
le regard qui ouvre
la porte du sourire
s'écoule au caniveau.

J'ai des mots émiettés
qui nourrissent les nuages,
ceux qui ont la blancheur
des neiges éternelles
et qui gardent l'or du levant.
Je les jette sur le papier
sans espoir de les revoir.

J'espère rester vivant
en criant mon vocabulaire.
La nuit monte par la fenêtre,
soulève le bureau de chêne
qui n'a plus rien pour s'accrocher.

J'ai des mots qui fuient
pour une plaie mal fermée.
Impossible de faire bonne figure.
Les miradors sont de retour.
On donnera à manger des poèmes
aux chiens-loups qui font la ronde
au pied des murs en barbelés.

J'ai des mots qui pleurent
avec les enfants de hall de gare
qui regardent passer
des voitures noires
aux vitres fumées.

J'ai des mots doux
comme le chant de deux femmes
qui apaisent le cauchemar
sans fin de la violence.

J'ai des mots qui brûlent aussi,
des mots acides
pour la peau froide des lézards
qui profitent de la chaleur
et s'enfuient au moindre danger.

J'ai de mots de guerre
car il faut parfois l'épée
pour trancher à vif
les têtes de l'hydre
qui aime le secret.

J'ai des mots qui éclatent à peine nés,
des mots bulles, pour rien,
qu'on ne doit pas toucher,
des mots à foison
dont on peut faire moisson,
des mots à pleines brassées
qui débordent et se donnent,
des mots d'embrassades
et de cavalcades,
des mots sans queue ni tête.

J'arrache les pages du dictionnaire.
J'ouvre ma chemise pour qu'on y voie
ce poitrail de mots prêt à se déverser.

Mais je n'ai pas de mots rentables.

Tout cela n'est rien,
à peine de la salive
et de l'encre mélangés.

Ce sont des mots offerts,
des mots plumes
sur la branche pourrie d'un monde
qui finira par s'écrouler.






Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire