samedi 11 janvier 2014

A qui écris-tu ? Où tes mots te conduisent-ils ? Tu te mets simplement en route pour donner plus de poids à quelques instants. Tu ne veux pas qu'ils retournent au néant. Splendeur ou stupeur, tu ne sais pas très bien, mais c'est le même surgissement, une trouée où, sans l'avoir désiré, tu accèdes à la vie telle qu'elle devrait être, comme illuminée de l'intérieur. Cette parole qui vient à toi ne t'appartient pas. Elle est d'un autre ordre. Elle est avec ces deux merles siffleurs que balance le vent, qui se méprennent sur l'arrivée du printemps. Elle est avec le regard d'un enfant dans le bus qui semble te demander :"Dans quel monde habites-tu ? Serai-je moi aussi obligé d'avoir un visage gris et des plis d'amertume au bord des lèvres ?". Tu es venu au monde sans l'avoir demandé. Cela fait déjà quelques années. Venir au monde ? Tu n'arrêtes pas d'y venir, d'y revenir pour mieux voir, compagnon des méandres du temps. Et cette parole vient aussi sans que tu le demandes. Elle te devance, elle chante en toi. Elle t'offre des ailes que tu ne peux te donner. Elle est plus vivante que tu ne le sera jamais. Il te revient en mémoire ces quelques vers d'un chant ancien : "Obstiné, par ta cruelle impatience, par ton insistance sans pitié, veux-tu vraiment, par le feu, forcer les boutons à s'ouvrir et les fleurs à fleurir pour remplir d'air leur parfum ?" 
Tu ne peux que consentir, aller toujours plus loin dans ce consentement. Un soleil d'argent a trouvé une fenêtre pour illuminer ce moment qui te semblait noyé de grisaille. Coïncidence ? Tu goûtes cet instant, tu es proche de ce chant dont personne ne s'empare et qui a la même patience que les nuages qui ne finissent jamais de parcourir la terre. Le hêtre pourpre sur la colline te restera fidèle. Jamais il ne te trompera. Il n'a qu'une place et il la tient. Il connaît le silence où viennent se briser les mensonges des hommes ! Tu n'arrives pas à décrire ce qui se passe en toi. Tu restes à l'écoute, suit du regard les volutes de fumée blanche qui sortent des cheminées des immeubles. Il y a un courant plus profond, tu le pressens, une rivière qui s'accorde au rythme des saisons et coule en toi avec une douceur invincible ! Comme cette eau semble maintenant emporter au loin l'offrande de quelques pétales, signes de la main ouverte. Tu n'as rien pu retenir. Derrière tous ces mots, il y a une autre langue que tu acceptes de ne pas rejoindre. C'est elle qui est à l'exacte mesure de la merveille d'être. C'est elle qui te fait souffrir de ton opacité. Mais il n'y a pas d'amoindrissement. C'est comme une graine qui lève, une enfantement !



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