Tu vois les arbres qui se dépouillent lentement sur la colline blanchie de brumes. Le hêtre pourpre fièrement semble résister au vent. Pieds que tu laisses traîner dans les feuilles sèches, mains dans les poches, tu penses qu'une année est vite passée ! Tu rentres aussi à ta manière dans l'automne, et il prend une douceur particulière. Toutes les histoires que tu t'es raconté, qu'étaient-elles vraiment ? En levant les yeux, tu as l'impression d'être un arbre qui contemple ses propres feuilles mortes emportées par le vent ! Une feuille rouge qui a la couleur d'une braise ardente, une feuille jaune comme de l'or qui ne brille plus, une feuille brune sans attrait qui se confond avec la terre, toutes ces feuilles, toutes ces histoires qui viennent mourir à tes racines bientôt pourriront recouvertes de neige. Et tu resteras là, branches nues offertes au givre, parure éphémère que dépose comme en rêve la nuit. La vigne sur le mur se dénude elle aussi. Quelques cosmos égarés près des roses fanées oscillent dans le jardin qui met son manteau du soir.Tu ne saurais pas expliquer pourquoi, mais dans cette abîme, dans cette perte,, demeure une note de musique qui sans fin se prolonge. Cette note va bien avec le soir qui obscurcit la fenêtre. C'est comme si soudain tu étais un peu plus près de toi-même. C'est comme si tu accueillais une vie que tu n'avais encore jamais pressentie, une vie d'une simplicité inouïe, celle que l'on surprend parfois dans les perles noires des yeux d'un merle effarouché, une vie douce et tranquille où le fond de toi-même vient enfin au jour, une vie qui n'a plus les dimensions que tu te donnes par peur de disparaître. Peut-être fallait-il passer par cet effondrement, la ruine d'une image incertaine pour comprendre un autre langage ? La mort cherchait à graver en toi son dernier mot. mais elle ne comprenait pas qu'elle t'ouvrait un passage. Au cœur de ta faiblesse, de ton impuissance venait lentement au monde un enfant que tu accompagnes maintenant, un enfant à qui tu donnes la main, et non le contraire, un enfant qui ne complique rien, qui est relié encore et de manière très secrète aux sources de confiance où subsiste le monde, un enfant que tu ne vois pas, que tu ne verras peut-être jamais, mais qui te donne un regard qui ne sera plus trompé par l'apparence ! Et si tu fermes les yeux de temps en temps, tu demeures au bord de la rivière née de nulle part et qui ne retourne pas à la mer. Elle chante avec toi ! Elle emmène des étoiles plus loin qui ensemenceront d'autres cœurs !
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