lundi 30 mars 2015

Ou es-tu passé ?
La journée a si vite filé,
dans une alternance de lumière
et de bandes de nuages menaçants.
Ta mémoire est encore traversée
par deux pies en colère qui se poursuivent,
ou par le jaune vif d'un pissenlit
au pied d'un mur.
Il y a aussi cette jeune maman,
le regard embrumé par ses nuits sans sommeil
à cause de son enfant malade.
Et ce vieux dictionnaire italien
qui part en lambeaux verts.
Il y a encore le chien blanc
qui a disparu, ne relèvera plus jamais
la tête à ton passage.
Et puis les pommiers du japon
qui allument leurs boutons roses,
le magnolia qui pointe,
ce gosse qui revient de l'école
la clef autour du cou,
qui jette un dernier regard
à ses copains qui sautent
de plaques en plaques d'égout.
Et toi, où es-tu passé ?
C'est la même ronde,
le même serpentin qui se déroule,
un collier dont aucune perle ne se ressemble.
Quand la nuit viendra, tu déposeras ce ruban
sur la table de nuit,
et au matin, il n'en restera rien,
et tout recommencera,
avec les premiers coups de bec du corbeau
sur les tuiles moussues du toit !
Mais avant cela, tu regardes à la fenêtre
le soir qui s'avance,
qui donne sa caresse aux façades mornes des immeubles.
Tout s'atténue comme si la lumière
était une gomme imperceptible.
tout devient lointain
et les arbres frissonnent
dans leurs habits d'hiver
stricts et sévères.
Et tu vois des ombres, des visages fantômes,
des étoiles entre les piles de livres,
des joyaux méconnus,
les yeux bleus d'un bébé fasciné
par un fil électrique qui oscille dans le vent,
la légère amertume d'une voix
qui se bat chaque jour pour celle qu'elle aime
et qui comprendra peut-être
la larme vite essuyée.
Et tu rêves d'un sourire
qui ne vient pas
parce que ce n'est pas le moment,
que cela se bouscule,
qu'il faut répondre au téléphone
et sourire à ceux qui ne le désirent pas.
Tu penses à cet ami débordé
qui ne te dit rien,
peu à peu disparaît.
Pourtant cela déborde de nuages,
cela délire de bourgeons.
Mais lui est dans le manège,
ne veut pas en descendre.
Il oublie combien c'est bon d'être bordé
le soir par une mère,
enseveli sous l'édredon.
Alors il court, il court,
tout échevelé,
tout débordé,
comme une rivière
qui quitte son lit.
Et toi, tu vois ces deux yeux noirs,
tu continues à bien l'aimer
avec le soir qui efface les dernières images
jusqu'à ce qu'il ne reste plus que ton regard
sur la colline et l'envie de chanter.








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire